LE MASSACRE DU SERRE LA PALLE . 19 FEVRIER 1689.

 

Le massacre de l’assemblée de fidèles protestants de Février 1689 à St Genest –Lachamp constitue le moment le plus tragique de la résistance des huguenots des Boutières à la révocation de l’Édit de Nantes en 1685.

 

SOMMAIRE

1.Histoire.

1.1. Le massacre

1.2. Les Suites

1.2.1 Monument

1.2.2 La répression du mouvement des Inspirés

1.2.3 La révolte des Camisards

1.3.Le Prophétisme

1.3.1 Origines

1.3.2 Sources matérielles

1.3.3 Un mouvement déroutant

1.4.La Réforme en Vivarais

1.4.1.Un lieu :les Boutières

1.4.2..Diffusion

1.4.3.La persécution avant 1685

1.4.4.Le Désert 1685-1797

1.4.5. L'Édit de fontainebleau

1.4.6. Le désarroi de la communauté protestante

2.Notes et Références

3.Voir aussi

3.1. Liens externes

3.2. Bibliographie

 

HISTOIRE        

 

 Le Massacre.

 

Le 19 février 1689 une compagnie de Dragons venue de Saint Sauveur de Montagut et commandée par le marquis de Folleville surprend une assemblée  de 700 à 1000 personnes tenue en plein jour au Serre la Palle (commune de Saint Genest Lachamp 07).Cette assemblée,la dernière du mouvement des Inspirés est présidée par l'Inspiré La Branche originaire du hameau voisin de Talussac (Saint Pierreville).

Le pasteur Claude Brousson parcourant clandestinement le Vivarais en Novembre 1697 rapporte la ferveur de ces assemblées,l'émerveillement des auditeurs de langue occitane devant ces orateurs qui s'expriment en langues (oïl) sous l'action du Saint Esprit. Au serre la palle certains voient dans le ciel le pasteur Homel vêtu de blanc (roué vif à Tournon le 20 Octobre 1684) ou entendent les psaumes chantés par des voix célestes. Beaucoup croient être gardés par des «  anges blancs comme la neige et petits comme le doigt ».

Quand les soldats se présentent ils ouvrent leurs justaucorps criant: «  tartara ,arrière Satan ». La troupe qui n'avait jamais osé jusque là s'en prendre à ces assemblées pacifiques d'hommes, de femmes ,d'enfants tire. On relève 350 à 400 morts ou blessés.(1)(2)

 

Récit de l’événement dans l'ouvrage publié à Amsterdam en 1694 :

RELATION SOMMAIRE DES MERVEILLES QUE DIEU FAIT EN FRANCE DANS LES CEVENNES ET DANS LE BAS LANGUEDOC POUR L'INSTRUCTION ET LA CONSOLATION DE SON EGLISE DESOLEE.

Par Claude BROUSSON autrefois avocat au parlement de Toulouse et maintenant par la Grâce du Seigneur fidèle ministre de la Parole qui durant plusieurs années a aussi prêché l’Évangile sous la Croix dans ces pays là.

Si ceux ci se taisent ,les pierres même crieront.

Luc 19.40

L'an MDLLXXXXIV

[…..]

Au commencement du mois de Février 1689 on en avait fait un autre [massacre de fidèles]dans les montagnes du Vivarais où l'on avait égorgé trois cent dans le lieu même de l'Assemblée et cinquante dans le voisinage lorsque ces pauvres fidèles dont la plupart étaient blessés s'enfuyaient ou se cachaient.

Le massacre qui avait été fait sur l'ordre exprès de Monsieur de Basville Intendant qui était  allé lui même dans ce pays là pour cette action barbare et païenne.

Les dragons avaient indifféremment tué les vieillards,les jeunes gens,les hommes,les femmes et les petits enfants.

Lors que ces pauvres fidèles avaient vu venir les meurtriers ils s'étaient mis à genoux pour invoquer le nom du Seigneur et en cet état ils avaient été massacrés par ces impies. Plusieurs même avaient ouvert leur sein à ces meurtriers et y avaient volontairement défié la mort pour sceller de leur propre sang la Vérité qu'on leur avait fait abjurer par des violences et hostilités horribles.

Il était même arrivé une action bien monstrueuse. Un de ces dragons ,dignes apôtres du Dragon roux ,dont il est parlé au chapitre XII de l'Apocalypse ,en faisant le massacre avait rencontré une pauvre femme qui avait déjà été tuée et qui étant renversée à terre avait encore entre ses bras son petit enfant qui se jouait sur son sein. Lors que ce petit enfant avait vu approcher le dragon il s'était mis à rire vers lui. Mais au lieu que ce bourreau eut été touché de la caresse que lui faisait cet innocent dont la mère avait été tuée il l'avait percé d'un coup de bayonnette et il l'avait enlevé en l'air .Sur ceux il avait crié à son camarade « Hé !Vois vois tu cette grenouille ».Cette action abominable avait été rapportée à Monsieur l'Intendant mais il n'en avait fait aucune justice

 

 

Les Suites

Monument


Une stèle est érigée en  1926 en bordure de route,au pied du site. L’attelage utilisé à l'époque n'a pas permis de hisser la lourde pierre au sommet du serre.

 

La répression du mouvement des inspirés

 

L’Assemblée du Serre la palle est la dernière des grandes assemblées qui ont soulevé les Boutières  au début de l’année 1689.(3)

Les Protestants renoncent aux grande réunions mais tiennent de petites assemblées secrètes où s'expriment les prédicants.

La persécution reste implacable en  pour ceux ci: ainsi en 1689

l'inspiré Bermuda est tué à Vernoux le 2 Mars ,Gabriel Astier est pendu à Baix le 2 avril,Louis Valette est pendu à La Voulte le 19 juin, Clairant est pendu à Valence d'autres prédicants sont condamnés aux galères. En 1700 la plupart des prédicants ont disparu.

 

 

L’intendant du Languedoc Basville est l'organisateur zélé de la répression. Il se rend en personne à Privas coordonner l'action de ses troupes ;Sous son impulsion Les États du Vivarais lancent un programme de construction de routes :110 destinées à faciliter le passage des troupes et le contrôle du territoire. C’est la route des dragonnades. En deux ans 50 km sont réalisés par une main d'œuvre corvéable. Par souci d’économie on choisit le tracé le plus direct en ignorant souvent villages et hameaux . Les troupes qui la parcourent sont basées au Cheylard et au château de La Tour à Saint Pierreville .Cette route réalisée avec des moyens modestes sera utilisée comme axe principal jusqu'à la fin du XIX° siècle.(4)

 

La révolte des Camisards

.La résistance jusque là non violente des protestants prend dés lors un autre cours.

A partir de 1702 jusqu'à 1704 le Vivarais participe à l'insurrection cévenole appelée la révolte des camisards.(5)

En février 1704 Jean pierre Dortial prédicant,aidé d'Abraham Charmasson et de Louis Mercier tue le curé de Gluiras et brûle l'église puis les rebelles incendient les églises de St Maurice en Chalencon,St Fortunat,St Julien le Roux,Bruzac,St Jean Chambre,St Barthélemy le Pin,St Sauveur de Montagut. Les rebelles sont battus le 23 Février à Franchassis prés de Pranles par les troupes royales de Jacques de Jullien. Les blessés sont achevés,les habitants des deux hameaux de Franchassis et de Lassagne exécutés.(6)

En 1709 profitant de la guerre de succession d’Espagne d'anciens chefs camisards essaient de ranimer l’insurrection. Un ancien soldat Jean Justet se joint à eux et parcourt les Boutières :en mai il tue un seigneur persécuteur Claude de Vocance. Un moment les nouveaux camisards sont les maitres de l'Eyrieux au Doux. Un combat acharné se livre sur le plateau de Leyrisse prés d'Alboussieres le 9 Juillet 1709 avec les troupes de Basville. Une trentaine de camisards restent sur le champ de bataille parmi les quels Justet. Les survivants sont massacrés à Fontréal prés de St Jean chambre mais Mazel n'est tué que le 17 octobre 1710:sa tête fut exposée et brûlée à Vernoux. C’est donc en Vivarais qu'a eu lieu la dernière bataille de la guerre des Camisards.

 

La révolte des Camisards et le soulèvement des Boutiéres ont été portés par un mouvement incompréhensible aux yeux du pouvoir royal et aussi des pasteurs du Refuge. Ce mouvement étrange est celui du prophétisme animé par les prédicants ou petits prophètes.

 

Le Prophétisme.

Origines (7)

Les premières voix prophétiques se sont fait entendre dans le Diois et les Cévennes. On désigne souvent comme initiateur le verrier Amos du Ferré de Dieulefit vers 1686.Puis à Bourdeaux apparaissent de jeunes bergers ,Bompart,Mazet,Pascalin.

Dans la nuit du 2 au 3 février 1688 une jeune bergère illettrée de 15 ans originaire de Saou ,Isabeau Vincent a son « inspiration »inaugurale «.Dans son sommeil extatique elle prononce d'émouvantes exhortations à la repentance. Elle se met à prêcher en patois puis en français en dormant. Elle attire une foule de fidèles qui recueillent ses inspirations les transmettent au Refuge qui les imprime dans de petits opuscules distribués ensuite en France.  Les premières mesures répressives(emprisonnement d'Isabeau dans la Tour de Crest , puis à Grenoble) ne peuvent enrayer la contagion qui  gagne le Vivarais avec  Gabriel Astier jeune laboureur de Cliousclat ,Alexandre Astier,Louis Valette.

Les Inspirés de 1688 1689 vivent dans l'attente du Messie..Pour eux ce Messie prend la forme de Guillaume d'Orange prince protestant appelé à régner sur l'Angleterre à la place de JacquesII en 1689.Les prophéties du pasteur Jurieu parues en 1686 ,selon lesquelles » la domination de la Bête doit durer trois années »semblent s'accomplir.

 

Gabriel Astier tient  des assemblées à Baix,Saint lager bressac où il entre dans des transes prophétiques. Ainsi débute le mouvement des Inspirés à l'imitation des prophètes d’Israël. Astier fait des disciples et tient de nombreuse réunions dans les basses Boutières de Saint Cierge la Serre à Gluiras en février 1689.(8)

cf carte p32 Route des dragonnades. Chamina.

Les prédications d'Astier s'accompagnent de manifestation spectaculaires :transes,convulsions.

On retrouve ces comportements chez beaucoup des prédicants du Languedoc soit à l'occasion de rassemblements publics ou en privé.(9)

 

 

Sources matérielles

Emmanuel Leroy Ladurie sans nier le poids majeur de la défense de la religion pour expliquer ce soulèvement des Boutiéres fait intervenir les difficultés matérielles de la population:

les calamités agricoles  par exemple, la rudesse de l'hiver 1670, sécheresse de1680 ,obligent à faire appel à l'emprunt souvent prohibitif et rendent l'impôt insupportable.La politique extérieure de Louis XIV, les guerres incessantes, amènent à multiplier les taxes et les impôts. La capitation est établie en 1695.En avril 1670, à Aubenas la population se soulève contre la perception de l'impôt. Conduite par Antoine du Roure la révolte est écrasée par les 4000 soldats du marquis de Castries à Lavilledieu.(10)

 

Après 1680, la population entame pour la première fois depuis deux siècles, une baisse de longue durée.Cette baisse démographique est provoquée moins par les famines( moins graves qu'au Nord et au Centre du Royaume) que par le chômage,la pauvreté,la sous alimentation chronique ,la sensibilité aux épidémies très accessoirement l'émigration,le retard au mariage et quelques  restrictions aux naissances..En 1703 le premier terme de la capitation reste impayé à 70% en Languedoc.

Leroy Ladurie repère aussi la sociologie des Inspirés , jeunes gens qui peuvent éprouver une profonde rancune à l'égard de leurs ainés, tenus responsables des abjurations.

Enfin l'auteur convoque la psychanalyse, et rappelle que la longue période d'inhibition sexuelle imposée par la dureté des temps peut intervenir en explication des formes spectaculaires prises par les convulsions de certains prédicants.

 

 

 

Un mouvement déroutant

A l'exception de Brousson ou Jurieu ,les formes prises par ce mouvement des Inspirés déroutent les pasteurs du Refuge.(11)

 

Pour eux , Dieu est souverain et il a révélé sa volonté dans l'Écriture : (les 66 livres qui composent la Bible). Un Dieu tout-puissant contribue à rassurer le croyant face au surnaturel, aux peurs moyenâgeuses en tout genre : enchantements, possessions, sortilèges… Dieu, ses attributs, sa volonté et ses commandements sont connus par l'Écriture, par l'emploi de moyens ordinaires (la lecture, la réflexion), d'où l'usage de la raison. Dieu ne se révèle pas par des songes, des visions, des transes, des convulsions, ou par des êtres bénéficiant de révélations ou pouvoirs surnaturels (prêtres, saints, astrologues), mais par le texte biblique. La mesure d'un homme dans la spiritualité protestante réside dans sa compréhension, sa capacité à expliquer et son obéissance à l'Écriture.

Lorsque l'Église fut réorganisée sous l'impulsion d'Antoine Court cela se fit dans une perspective hostile à la prise en charge des communautés par des personnages charismatiques.

 

Pour Philippe Joutard le prophétisme prend sa source dans le traumatisme subi par une population que l'on a brutalement privée de sa culture en lui enlevant sa religion et qui faute de pouvoir utiliser d'autres modes d'expression emprunte l'imaginaire et  le langage du corps pour traduire son refus du nouvel univers mental imposé.

 

 La Réforme en Vivarais

 

Assemblée clandestine du "Désert"

 

Zone de Texte: Assemblée clandestine du "Désert"

Un lieu :Les Boutières

Les Boutières constituent une partie du rebord oriental du Massif Central. Redressé au Tertiaire au moment de l’orogenèse alpine il est affecté par des failles profondes qui entraînent un volcanisme actif. C’est lui qui donne au pays ses plus hauts sommets Mt Mézenc ,Mt Gerbier de joncs 1551m.Le rebord oriental du Massif Central est entamé par de profondes vallées qui découpent des Serres.

Le Serre la palle à 1097,7m d'altitude est encadré par les vallées de Faveyrolles au nord et de la Glueyre au Sud. Le site du  Serre est constitué d'une coulée de basalte organisée en système d'orgue.

L'absence de végétation sur le sommet justifie la légende selon laquelle l'herbe ne repousse plus là où a coulé le sang des martyrs.

Les manifestations du volcanisme  sont nombreuses à proximité sous la forme de cheires : Boischaut ; necks : rocher de Don,rocher de Brion. On rattache cet ensemble au volcanisme du Coiron -8 à -6 M d'années.(Mezenc -7 à -8M d’années)(entre – 120 000 et -47 000 ans pour les jeunes volcans du Sud , Jaujac,Aizac...) (12)

Sans faire de déterminisme on peut constater que les Boutières offrent un lieu paradoxal de région refuge par le morcellement de son relief et une région ouverte par sa proximité avec la Vallée du Rhône. Ces conditions et la dispersion de l’habitat ont sans doute joué leur rôle dans la diffusion de la Réforme.(13)

 

La diffusion de la Réforme:

Le milieu vivarois en pleine crise sociale,économique religieuse était très favorable à la diffusion des doctrines qui prétendaient réformer l’Église dans le sens d'un retour aux sources du Christianisme ,pour purifier celui ci de tous les abus aussi bien pour la foi que pour les mœurs. En même temps la Réforme allait permettre de secouer le joug souvent lourd des évêques et des prélats et de développer ce goût de l’indépendance et de l'autonomie,inné dans tout le Languedoc et renforcé par nombre de rancunes contre la Cour,le Nord,la Papauté .(14)

En une trentaine d'années la Réforme a conquis une grande partie du Vivarais ,maîtrisant les principales routes:elle domine Annonay et Vernoux les Boutiéres du Pouzin au Cheylard en passant par Privas,la basse Cévennes de Vals à Largentiere par Aubenas Villeneuve de Berg,la capitale judiciaire;ailleurs elle forme quelques îlots denses comme à Viviers,Sablieres la haute vallée de l’Ardèche. Cependant Réformés et Catholiques vivent en bonne harmonie siégeant côte à côte aux États du Pays. Le Vivarais recoupe en grande partie le département actuel de l'Ardèche. Il est l'une des trois régions formant la province du Languedoc. Il est géré par les États du Vivarais et dépend de trois évêchés:Viviers,Valence et Vienne.

 

Huit guerres de religion affectent la région entre 1562 et 1598 puis trois sous Louis XIII. Le 28 mai 1629 les 20 000h de Louis XIII et Richelieu s'emparent de Privas  tenu par une garnison de 1600 à 1700 hommes :il n'y eut que 200 prisonniers. La ville est pillée et incendiée.

Cette communauté huguenote des Boutières est soumise à une persécution intense bien avant l'Édit de Fontainebleau:

Persécutions 1610-1685

Dès 1634, il est interdit aux pasteurs de faire « l’exercice du culte » en dehors du lieu de leur résidence. À partir de 1635, les plaintes contre les huguenots s’accumulent dans les cahiers de doléances des Assemblées du clergé ; En 1655, est demandée la destruction des temples construits en dehors des lieux expressément prévus par l’Édit de Nantes (et fixés par les commissaires de l’application de l’édit) et la limitation de l’accès aux offices.

A  Aubenas dés 1628 François d'Ornano manifeste son zèle par l'emploi des premières dragonnades: ce sont ses soldats corses qui sont chargés de  la conversion des réformés et un peu plus tard il transforme le temple en écurie. En 1653 la maréchale d'Ornano se rend à Vals avec une troupe armée pour interdire le culte réformé.

Au Cheylard entre 1610  et 1636 l'application de l'Édit de Nantes provoque de nombreux conflits entre le seigneur catholique et la population protestante. Le Cheylard est le siège du consistoire de 17 paroisses toutes réformées.

M de la Motte Brion baron du Cheylard dans un placet au roi prétend que « de tout temps les huguenots du Cheylard ont été les plus séditieux de France,ils ont démoli le château de leur seigneur... »

En juillet 1683 l'intendant Daguesseau note: « Au Cheylard c'est un lieu très dangereux ...Il ya l'exercice de la RPR (Religion Prétendument Réformée) et un temple où tous les religionnaires de montagnes de ce coté là viennent armés. Deux compagnies de dragons y seront très utile. »

A partir de 1656 on oblige les églises réformées à produire les titres de leur fondation sous peine de démolition ce qui arrive pour les temples de Saint vincent de Durfort et du Petit Tournon en 1670 de Soyons et de Pierregourde en 1682.

Une législation anti-R.P.R. (Religion Prétendue Réformée) est mise en place entre 1666 et 1683, défaisant pièce à pièce l’Édit de Nantes.

De 1661 à 1685, environ 175 arrêts et déclarations royales interdisent l’exercice du culte, l’accès aux offices et aux dignités, la liberté de conscience.

En 1669 interdiction d'enterrer les protestants dans la plupart des cimetières d'où leur mise en terre dans des cimetières privés qui existent encore.(17)

Entre 1679 et 1685 (avant même l’édit de Révocation), environ 250 temples sont abattus, les « exercices de fief » dans les chapelles des châteaux sont progressivement supprimés. Alors s’organisent spontanément des assemblées sur les emplacements des temples démolis.(18)

 

Dès 1682, la pratique d’assemblées clandestines, s’organise dans les provinces méridionales (dans la Drôme, près d’Anduze et à Vauvert, puis en Cévennes et Languedoc), là où les temples ont été abattus.

En 1683, dans la Drôme, à Château-Double 32 réformés sont arrêtés, 300 autres forment le « camp de l’Éternel » dans la forêt de Saou et se heurtent à quatre régiments de dragons. Le combat se solde à Bourdeaux (Drôme) par l’arrestation de 50 rebelles qui seront brûlés ou pendus. L’avocat Claude Brousson (1647-1698) tente d’étendre ce mouvement à toute la France pour montrer au roi que les temples peuvent être détruits mais que les communautés protestantes restent bien vivantes. L’affaire tourne à l’émeute, occasion d’une répression très dure.

Devant l'aggravation de la persécution aprés 1680 les protestants vivarois sont décidés à la résistance surtout sur l'impulsion énergique du pasteur Isaac Homel.En juillet 1683 l'assemblée protestante de Chalencon affirme sa fidélité au roi mais décide de la résistance armée contre les seigneurs catholiques.

En Septembre 1683  le duc de Noailles commandant militaire du Languedoc monte de Tournon sur le plateau avec 4000 soldats.Il bat une troupe huguenote à l'Herbasse prés de Vernoux puis va démolir le temple de Chalencon. Arrété Isaac Homel est roué vif à Tournon ,son corps reste exposé dans la ville et sa tête à Beauchastel à titre d'exemple.

L'Église du Désert 1610-1787

La Révocation provoque l'exode de 3000 fidèles,surtout des ouvriers ,artisans ,membres des professions libérales d'abord en Suisse puis en Allemagne aux Pays Bas.En France 200 000 personnes prennent l’exil.Certains descendants de ces familles ont acquis une certaine notoriété:Davy Crockett,Charlize Théron, Thomas de Maizières...(15)(16)

En juillet 1686 une déclaration prévoit la peine de mort pour ceux qui « seront surpris faisant des assemblées », les galères à perpétuité pour les hommes qui les aident, la prison pour les femmes.

Dans les régions où les protestants sont peu nombreux, ils se réunissent chez l’un ou l’autre. En Hollande et en Suisse, des pasteurs cherchent à favoriser ces réunions privées en imprimant des « liturgies pour les chrétiens privés de pasteurs ».

Dans les régions où les protestants sont nombreux, la résistance est publique. D’abord ils s’abstiennent massivement d’aller à la messe lorsque les dragons s’éloignent. Surtout, ils convoquent des assemblées secrètes dans des lieux écartés, le plus souvent de nuit, pour le « prêche » et éventuellement la cène. Contrairement aux premières assemblées, il n’y a plus de pasteurs pour les présider puisqu’ils ont dû ou fuir ou abjurer. Ce sont donc des laïcs qui convoquent et conduisent les assemblées : les prédicants.

Dans les provinces du Sud principalement, plusieurs dizaines de prédicants mènent une vie errante, traqués par les soldats (déclaration de 1686). La plupart des prédicants sont jeunes et peu instruits. Le plus connu est l’avocat Claude Brousson qui, réfugié en Suisse depuis 1683, revient en France en 1689 et anime de nombreuses assemblées clandestines en Cévennes et Bas-Languedoc, puis dans les provinces du Nord. Ses sermons écrits au « Désert » sont répandus par des copies et pour certains publiés à Amsterdam.

Quelques pasteurs ayant émigré rentrent en France au péril de leur vie, à l’appel de leurs troupeaux. Cinq sont arrêtés à Paris et emprisonnés à vie au fort de l’Ile Sainte-Marguerite au large de Cannes. Les autres mènent la vie aventureuse des prédicants. Parmi les prédicants les plus célèbres, outre Claude Brousson, supplicié en 1698, il faut citer Fulcran Rey, pendu en 1686, François Vivent exécuté en 1692.

Au delà de toutes les mesures répressives c'est la violence qui de vient systématique pour obtenir les conversions. L'intendant Basville nommé en Languedoc en 1685 est l'organisateur zélé (19)

L'Édit de fontainebleau

L’édit comporte 12 articles :

1 : la révocation de l’édit de Nantes (1598) signé par Henri IV et de l’édit de Nîmes (1629) signé par Louis XIII, en conséquence : la démolition de tous les temples encore debout,
2 et 3 : l’interdiction de tout exercice de la religion prétendue réformée (RPR) y compris chez les seigneurs,
4 : le bannissement dans les 15 jours, sous peine de galères, des pasteurs qui ne voudraient pas se convertir,
5 et 6 : des incitations à la conversion des pasteurs : pension à vie et facilité de reconversion vers les métiers juridiques,
7 : l’interdiction des écoles protestantes,
8 : l’obligation aux réformés de faire baptiser et de faire instruire leurs enfants dans la religion catholique,
9 : la confiscation des biens des réformés déjà partis à l’étranger sauf s’ils reviennent dans un délai de 4 mois,
10 : l’interdiction aux réformés d’émigrer à l’étranger sous peine de galères pour les hommes et de prison pour les femmes,
11 : la punition des relaps, c’est-à-dire des « nouveaux convertis » qui reviendraient au protestantisme,
12 : l’autorisation pour ceux qui ne se seraient pas encore convertis, de résider en France, à condition d’observer les dispositions précédentes.

 

Une déclaration de janvier 1686 ordonne que tous les enfants de parents protestants, âgés de cinq à seize ans, soient confiés à des parents catholiques ou à défaut chez toute personne catholique nommée par le juge.

Une déclaration du 13 décembre 1698 vient encadrer plus strictement les nouveaux convertis en exigeant :

·      l’assistance à la messe et aux pratiques catholiques quasi obligatoire pour les seigneurs et notables,

·      l’obligation de se marier à l’église et de faire baptiser ses enfants dans les 24 heures après leur naissance,

·      l’obligation de présenter un certificat de bonne catholicité signé par le curé pour obtenir une charge juridique ou obtenir un diplôme en droit ou médecine.

Cette même déclaration enjoint aux paroisses d’ouvrir des écoles primaires, notamment pour les enfants de nouveaux convertis. Le roi ne se faisait pas d’illusion sur la conversion des adultes, mais il espérait gagner les enfants par le catéchisme et l’instruction.

En 1699 est répétée l’interdiction d’émigrer pour ceux de la RPR et pour les nouveaux convertis.

Le désarroi de la communauté protestante

 

Pour ceux qui sont restés en France, sans temple, sans école et sans pasteur, le désarroi est grand. La religion structurait la vie quotidienne des protestants. Face à cet effondrement, certains interprètent ce drame à l’aide du livre de l’Apocalypse .

L’abjuration brutale et massive, sous la pression des dragons ou la menace d’enlever les enfants à leurs parents, a engendré surtout dans les territoires très protestants un profond sentiment de culpabilité collective.

Les protestants qui ne sont pas convertis de cœur adoptent une double conduite : pratiquer un minimum de catholicisme au dehors et rester fidèles à leur religion et en particulier à la lecture de la Bible et au chant des psaumes dans le secret de leurs maisons. Ils gagnent à cet exercice clandestin à la lueur des chandelles le qualificatif de yeux rouges parfois encore utilisé aujourd'hui :la connotation diabolique est évidente. Par contre ,la qualité de Justes qui leur a été attribuée  après la dernière guerre est plus valorisante:par ex la population du Chambon sur Lignon distinguée pour la protection offerte aux juifs .

La transmission de la foi réformée à leurs enfants est très difficile, puisqu’il faut les envoyer au catéchisme catholique et dans les écoles catholiques. Mais certains défont le soir à la maison l’enseignement catholique.

À cela s’ajoute les fortes amendes qui tombent sur ceux qui, restant attachés à leur foi réformée, ne pratiquent pas très assidûment les rites catholiques.

Devant tant de malheurs, les protestants s’interrogent : les dragons, la destruction des temples, l’exil des pasteurs ne sont-ils pas les signes de la punition d’un peuple impie ?C'est le discours tenu par les prédicants...

Un siècle de proscription  le Désert 1685  1787 a fait régresser le Protestantisme vivarois :il pouvait concerner 1/5°de la population en 1685 mais en 1801 ses 35000 fidèles n'en représentent plus que 1/8°.Les pertes ont affecté les villes la bourgeoisie la noblesse .Le protestantisme vivarois est essentiellement devenu paysan.

Deux siècles de combats de violences de persécutions ont profondément marqué les Vivarois et creusé entre les deux communautés chrétiennes un fossé que les luttes politiques à partir de la Révolution contribueront à maintenir ouvert sinon à élargir.(20) Il faudra le XX° siècle et ses bouleversements sans pareil pour enfin cicatriser et encore incomplètement cette terrible plaie qu'avait ouverte la crise religieuse du XVI° siècle.

Notes et références

Voir aussi

Voie de Recherche:

Les preuves matérielles du massacre ne sont pas aisées à établir: Les pages des  années 1689 1690 dans les paroisses concernées par l'évènement ont disparu des registres paroissiaux !Peut il s'agir du souci des autorités de l'époque de faire disparaître des faits encombrants ou d' un geste de précaution des familles destiné à éviter d'autres persécutions, la question reste entière. Une recherche des  actes notariés de l'époque peut être plus fructueuse..

Liens externes

http://www.medarus.org/Ardeche/07genera/07genTex/huguenots.html(4)

http://www.museeprotestant.org/(7)(11)(17)(18)(19)

http://www.chamina.com/collection/guides-pays-cote-histoire-13/  (1)(3)(8)

http://www.camisards.net/CahiersPHA.htm

http://www.patrimoine-huguenot.eu/bienvenue/

http://archives-fig-st-die.cndp.fr/actes/actes_2002/bethemont/article.htm(13)(17)

http://geneal30.free.fr/Documentations_historiques/Thierry/pasteurs_et_predicants.htm

http://www.histoire.presse.fr/mensuel/1/la-cevenne-camisarde-01-05-1978-6653

http://ardecol.inforoutes.fr/eduetpatri/articles.php?lng=fr&pg=50(4)

http://www.geopark-monts-ardeche.fr/decouvrir-le-geopark/decouvrir-les-geosites-geopark/sites-volcaniques-des-sucs-geopark/volcan-du-don-2358.html(12)

 

 

Bibliographie

§  MOURS .Samuel.Le Vivarais et le Velay protestants. Imprimeries Réunies.Valence.1947

§  ARNAUD.E.Histoire des Protestants du Vivarais et du Velay

§  BOZON Pierre Histoire du Peuple Vivarois,(2°edition)Imprimeries Réunies .Valence.1974(5)(6)(10)(14)(20)

§  BOLLE, Pierre, Protestants en Dauphiné - L'ouverture de la Réforme, collection « Les Patrimoines », Éditions le Dauphiné libéré, 2001

§  DUBIEF, Henri et POUJOL, Jacques, La France protestante, Histoire et Lieux de mémoire, Max Chaleil éditeur, Montpellier, 1992, rééd. 2006, 450 page

§  SCHUMANN Dominic :Manne au désert (La) : Claude Brousson et ses assemblées du Désert dans les Cévennes et le Bas-Languedoc entre 1689 et 1693.Université de Bourgogne.2011.

§  LEROY LADURIE

Colin, 1949 (13)